Interview de Jean-Luc Denéchau, Président de la Fédération Française de Voile
Quel bilan tirer de l’année 2023 pour la voile en France ?
Les licences adultes ont bien progressé, avec une stabilisation chez les Jeunes et une augmentation des Passeports Voile, en pratique Loisirs. C’est très positif car cela montre que les clubs ont réussi à garder une belle dynamique. Sur l’aspect sportif, 2023 est une très belle année. En olympisme, sur le Test Event à Marseille l’Équipe de France repart de cette « répétition générale » avec 5 médailles dans les 10 disciplines au programme, dont 4 en or ! C’est un « temps de passage » historique qu’il faudra évidemment confirmer en 2024 pour les Jeux à domicile, mais d’ores et déjà nous sommes satisfaits de l’engagement des athlètes de l’Equipe de France et de la cohésion qu’il peut déjà y avoir dans ce groupe.
La Fédération continue-t-elle également de s’impliquer sur des problématiques plus « sociétales » ?
A la Fédération Française de Voile on va de la très haute performance jusqu’à des projets d’inclusion sociale. On a donc créé la « Fondation de la Voile », sous abritance de la Fondation du Sport, avec pour objectif de pouvoir soutenir des projets dans le domaine environnemental ou social. Le premier projet au cœur de la Fondation c’est le programme « La Mer est à vous », qui continue de grandir et d’attirer de plus en plus de clubs. Déjà plus de 400 jeunes sont passés par ce programme qui permet à ces jeunes éloignés de l’emploi d’acquérir des compétences professionnelles dans le monde de la voile, en les accueillant pendant 5 mois au sein d’un club. Ils découvrent un nouvel univers, prennent confiance en eux et certains mêmes se reconstruisent à travers à ce projet. Les retours des clubs engagés dans « La Mer est à vous » sont très intéressants. Le projet procure un autre sens au travail des salariés, crée une nouvelle dynamique et permet au club de ne plus être vu comme une simple entité sportive pour les collectivités locales mais d’être identifié comme un véritable acteur du territoire. Autre projet de la Fondation de la Mer, la Fédération a également réalisé une série d’interviews de toutes les parties prenantes du monde de la Course au Large, que ce soit des skippers, des responsables de chantiers, des partenaires ou des collectivités locales, avant de lancer début décembre le programme « Course au Large 2030 », des Assises pour lancer la transition écologique dans ce milieu. La Fédération a toute sa place dans ce genre de processus car nous sommes là pour fédérer mais aussi pour lancer de nouvelles initiatives.
L’année 2023 vient aussi confirmer la bonne forme du système de jauge Osiris. Comment expliquer cet engouement ?
La progression des Licences Adultes en 2023 est due en partie au succès de la jauge OSIRIS encore cette année. L’engouement pour ce système vient à la fois de sa simplicité mais aussi de son côté équitable. C’est un outil qui nous satisfait pleinement, que nous souhaitons évidemment pérenniser et améliorer, et pour lequel la Fédération se donne les moyens d’offrir le meilleur service possible à tous les licenciés qui utilisent ce système de rating. Pendant plusieurs années, la fédération a pu compter sur le travail acharné de plusieurs piliers. Je pense à Maurice Viaud, qui nous a quitté l’année dernière, mais aussi à Daniel Pillons, forcément, qui a cédé la présidence de la Commission OSIRIS après un long mandat qui aura prouvé son implication exceptionnelle. Je sais que la prochaine génération qui arrive pourra s’appuyer sur de solides fondations !
Autre mouvement au cœur du programme OSIRIS, l’arrivée de Romain Lanos à la tête du centre de calcul de jauge à la place de Luc Gellusseau. Quelle sera l’importance de son rôle pour promouvoir le système Français à l’international ?
Depuis son arrivée à la tête du centre de calcul de jauge OSIRIS en 2015, Luc Gellusseau a réalisé un travail formidable et je lui souhaite bien évidemment beaucoup de bonheur dans ses prochaines aventures. J’en profite pour saluer l’arrivée prochaine de son successeur, Romain Lanos, qui a de qui tenir et qui, j’en suis certain, reprendra le flambeau avec la même passion que Luc. Il aura notamment pour mission de représenter la France et son système à l’international, nous sommes convaincus qu’OSIRIS est un système de jauge qui peut s’exporter. C’est un système qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années et avec de nombreux bateaux différents. Toutes les personnes qui veulent regarder cela avec un œil impartial se disent que c’est applicable quels que soient les bateaux en compétition. A une époque qui n’annonce pas d’embellie économique, OSIRIS est un outil qui permet de fédérer et de faire régater des gens ensemble sans trop de contraintes.
Le programme OSIRIS repose en grande partie sur le bénévolat, un système de plus en plus mis en difficulté, notamment pour recruter des profils jeunes. On imagine que c’est une source d’inquiétude pour la Fédération ?
Le manque de bénévoles, c’est évidemment une préoccupation globale pour la Fédération Française de Voile tout comme pour le monde associatif de manière générale. Je tiens donc à remercier les personnes qui s’investissent notamment dans la jauge OSIRIS, qui sont nos meilleurs ambassadeurs pour trouver de nouveaux bénévoles et pour faire vivre avec passion ce système. La transmission et la solidarité font également partie des valeurs de la voile. Les pratiquants OSIRIS sont les mieux placés pour devenir bénévoles pour la jauge OSIRIS !
Depuis quelques années on remarque l’émergence de compétitions aux formats inédits. Comment s’adapte la jauge OSIRIS aux nouvelles façons de régater ?
Nous devons collectivement changer nos visions de certaines compétitions pour répondre à la demande. Les pratiquants attendent de la convivialité, ont parfois un peu moins de temps et moins d’argent à consacrer à leur passion et veulent pouvoir pratiquer et régater simplement. La jauge OSIRIS répond bien à l’ensemble de ces aspirations et peut faire office de « couteau-suisse » pour l’organisation de régates très diverses.
La FFVoile a été en première ligne pour permettre le retour du Tour Voile en Habitable et avec la volonté de faciliter l’accès à des jeunes marins vers l’Offshore. C’était important pour vous d’encourager cela ?
Combler un manque, voilà l’idée majeure de cette nouvelle formule du Tour Voile. Sans un Tour Voile en Habitable, les jeunes n’avaient plus trop de possibilités de découvrir la course côtière ou hauturière. Par exemple, sur les différents Challenges de sélections en Figaro 3 au Pôle France Course au Large, il y avait des jeunes extrêmement compétents, venus de l’Olympisme ou de l’Inshore mais qui n’avaient jamais passé une nuit en mer ! Il était Donc important de pouvoir à nouveau proposer cette formation aux jeunes, d’autant plus que beaucoup d’entre eux étaient désireux de découvrir cette pratique. Les deux leitmotivs qui sont ressortis lors de la création de cette nouvelle formule du Tour Voile sont « formation » et « sobriété ». Pour le premier volet, nous avons imposé d’avoir au moins 3 jeunes de moins de 26 ans à bord et au moins une femme à bord. Dans le cadre de la « sobriété », nous avons décidé d’utiliser un bateau déjà aguerri, le Figaro Bénéteau 3, qui dispose d’une flotte intéressante. Cela permet aussi à certains jeunes marins sur le circuit Figaro de compléter leur budget en trouvant un peu de financement via le Tour Voile. Et nous avons également pris le parti de nous focaliser chaque année sur une seule façade maritime (en Atlantique en 2023, en Manche en 2024) pour éviter les déplacements des bateaux par la route et favoriser les étapes de liaison pour limiter les frais d’hébergement.
2024 sera une année particulière pour la voile en France, que ce soit en Course au Large ou avec les Jeux Olympiques à Marseille. Est-ce que vous vous attendez à des répercussions sur la pratique, à un héritage ?
2024 va effectivement être une année folle pour la Voile. On va commencer l’année avec l’Arkéa Ultim Challenge, une course en solitaire autour du Monde sur les plus grands trimarans du monde. On aura, à nouveau, une traversée de l’Atlantique avec la Transat CIC. Évidemment, cet été, les Jeux Olympiques à Marseille, puis on enchainera sur la Coupe de l’America avant de terminer l’année avec le Vendée Globe, sans oublier les grands rendez-vous habituels comme la Solitaire du Figaro ou la Drheam Cup. Ça sera donc une année importante pour la voile, avec une forte exposition médiatique, à nous de l’utiliser au mieux. La Fédération accompagnera ses clubs et ses établissements en s’appuyant sur une communication dédiée, pour que tous ceux qui vont découvrir la voile à l’occasion de ces événements phares puissent être accueillis de la meilleure des manières dans nos structures et qu’on puisse avoir encore plus de monde sur l’eau dans les années à venir !